Que fait Frédéric Gensse ?
Je suis sculpteur, et peut être interprète. Je pense l’art et par l’art, je réponds aux Hommes. Un artiste utilise la matière, conçue comme genèse, commune à tous, et répond par la « non-matière », un sculpteur modèle de ses mains habiles et pensantes le concret pour évoquer l’abstrait. Il ouvre ainsi sans cesse ces portes du matériel au spirituel.
Du spirituel dans l’art ?
Sans doute, une oeuvre d’art reste la représentation intime, proche d’une idée, d’une conception, d’une émotion propre à l’artiste. L’artiste est le point de départ, la question initiale, la prime recherche, l’art est tout ce message, cette parole qu’il transmet par l’oeuvre d’art qui est sa réponse.
L’ oeuvre d’art est une finalité ?
Elle acquiert certes sa plénitude, son rayonnement dans son achèvement. Mais il y a bien plus encore, surtout si l’on considère qu’elle possède en elle un pouvoir supérieur, qui échappe à l’artiste. Un rêve cher au sculpteur, une magie qu’il a su lui donner : ce pouvoir d’exister par elle-même, indépendante, affranchie, libérée à un nouveau devenir.
Que dire de cette relation entre l’artiste et son oeuvre ?
C’est là, à mon sens, le cœur du problème. Une relation évidente. Éternellement réciproque. Mais laquelle ? Amour, intimité, détachement. Une oeuvre d’art naît, mûrit, s’épanouit pour vivre un jour libre, elle quitte la main de l’artiste qui l’a chérie, comme un enfant quitte un jour son père, son créateur. Il y a tant de relations. Autant de questions auxquelles il est difficile d’apporter des réponses.
D’où vous vient l’inspiration ? Quelle est son origine ?
Le questionnement perpétuel. Un monde interne d’émotions, de sensations, de douleurs et de désirs enfouis dans tout artiste. Et ce voeu d’apporter une réponse par l’art, et la matière qui retranscrira le plus fidèlement possible le message.
La matière ?
L’homme naît dans la matière qui l’entoure. L’organique mêlé au végétal, au minéral. En créant la matière, la nature a déjà tout donné aux hommes. Les réponses à toutes ses questions sont déjà là, depuis toujours à sa portée.
Le sculpteur doit savoir transformer cette matière pour délivrer son message et trouver ses réponses. L’art est tout ce transfert, ce « passage ». Une autre origine sans doute, le Jura. Une région de France, un havre d’espace et de liberté,
une terre de forêts et de montagnes, où la matière domine, le bois, la pierre, la matière brute, pure, épaisse, mais si vivante, lorsqu’elle vous appelle à elle, par le chant mélodieux de ces mille voix. J’aime ce pays qui est le mien.
Y aurait-il un rapport avec l’utilisation du métal pour vos oeuvre ?
Le métal est peut-être une interprétation fidèle de la Nature Jurassienne, dont la dualité originelle exprime une vérité indubitable : lourdeur et légèreté, puissance et fragilité. Le métal est un matériau noble, d’une insoutenable légèreté, l’ombre et la lumière, le froid et la chaleur, la liberté de l’élan rivalisant dans le poids du fer.
Le métal est une conjugaison alchimique. Poétiquement peut-être, cet enfant mythique et imaginaire, né de l’union secrète du bois et de la pierre.
Une part de légende ?
Il y a toujours une part de rêve dans l’art, un miracle sacré, un secret indicible, intraduisible lorsqu’un sculpteur met au monde une oeuvre d’art. Tans d’étapes qu’il faut pouvoir et savoir franchir, de l’idée à la réalisation, tant de questions auxquelles il faut apporter des réponses ; ce « passage » est un univers multiple, infini. Il y a tant de portes à ouvrir, et pour cela, il faut choisir les bonnes clés…